Avec le retrait du Sénégal, la France tourne définitivement la page de sa présence militaire en Afrique de l’Ouest

Moins de quatre années. L’intervalle paraît court, mais il n’aura pas fallu plus longtemps pour que Paris perde l’ensemble de ses bases et rapatrie l’essentiel de ses forces armées en Afrique de l’Ouest. Commencée en 2022 par les nouvelles autorités maliennes, la vague de dénonciations de la présence militaire française a souvent pris une allure expéditive. Car de Bamako, Ouagadougou au Burkina Faso ou Niamey au Niger, les accords militaires furent dénoncés avec ferveur, priant la France de quitter ces territoire « sans délai ». En Côte d’Ivoire ou au Gabon, le retrait a parfois affiché des airs de négociations conjointes. Toujours est-il que depuis le 17 juillet 2025, l’armée française ne dispose plus de capacités de projection importantes dans la sous-région.

Un retrait historique après 65 ans de présence

C’est donc à Dakar, capitale sénégalaise, que s’est achevé jeudi 17 juillet le cycle de rétrocessions françaises au pays de la Teranga. Après la restitution des emprises « Maréchal » et « Saint-Exupéry », les choses s’étaient accélérées début juillet avec l’arrêt des opérations sur la base dédiée aux communications radios de Rufisque, en banlieue dakaroise. La remise de clés du camp Geille vient clore le chapitre d’une présence qui aura résisté aux différentes révisions d’un accord sécuritaire établi dès 1960. Soit l’année même de l’indépendance sénégalaise.

« En novembre 2024, la dénonciation à quelques heures de décalage des accords militaires de la part du Tchad et du Sénégal avait eu l’effet d’un petit séisme », rappelle Eddie Guipié, enseignant-chercheur ivoirien et spécialiste des questions de défense. Après les revers essuyés dans les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), ces annonces avaient pris de court la stratégie de « réduction de l’empreinte française en Afrique » portée par Emmanuel Macron et son envoyé personnel sur le continent, Jean-Marie Bockel. Bien obligée de composer avec cette nouvelle donne, Paris s’est efforcée de proposer un chronogramme de rétrocession échelonné dans le temps afin de partir la tête haute.

« On peut dire que le Sénégal était la fille aînée de la France, en ce sens que la présence militaire remonte au moins au XVIIe siècle », note Eddie Guipié. De Saint-Louis, premier comptoir français baptisé en l’honneur de Louis XIV, à Dakar, capitale de l’AOF dès 1902, le Sénégal fut le centre de gravité de l’empire colonial en Afrique de l’Ouest. Au camp Geille, la sobre cérémonie fut ponctuée des mots du général Pascal Ianni, à la tête du nouveau commandement français pour l’Afrique, et de Mbaye Cissé, chef d’état-major des armées sénégalaises. Lorsque la partie française s’est dite fière du « travail accompli », Dakar a répondu vouloir « faire cap vers un partenariat rénové ».

« L’engagement prendra d’autres formes »

Si ce retrait répond aux promesses formulées par le pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, la porte reste donc entrouverte. « De telles actions s’inscrivent dans l’élan néosouverainiste qui souffle dans la région », abonde l’enseignant-chercheur. Pour autant, la nouvelle formule recherchée par Paris fait son chemin. En Côte d’Ivoire – où les autorités françaises ont rétrocédé le camp de Port-Bouët en février dernier –, l’armée maintient une centaine d’éléments dans le cadre de missions de formation entre Abidjan et Bouaké pour l’aspect aérien. Formule similaire à Libreville, au Gabon. Les blindés français ont laissé place à une poignée d’instructeurs militaires stationnés dans une base désormais partagée avec les forces gabonaises. Le pays forestier du président Brice Oligui Nguema ouvre, quant à lui, sur la zone Afrique centrale.


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En pratique, le positionnement de la France emprunte beaucoup à l’architecture du commandement africain des États-Unis, l’Africom. Formation, renseignement et humanitaire sont les nouveaux piliers théoriques de partenariats que l’armée française espère voir renouvelés. « Il est certain que la France perd des têtes de pont stratégiques. Cependant, la projection de puissance en Afrique de l’Ouest peut s’opérer à l’aide d’autres moyens tels des porte-avions ou des porte-hélicoptères », soutient Eddie Guipié. Défenseur d’une approche mesurée, le chercheur réfute l’idée que Paris aurait perdu la totalité de son influence militaire en Afrique. L’engagement prendra simplement d’autres formes, formule-t-il en toile de fond.

À ce jour, seule Djibouti compte encore une base française autonome de 1 500 soldats. Prisé pour son emplacement stratégique à mi-chemin entre l’Afrique de l’Est et la péninsule Arabique, l’emprise demeure relativement limitée en termes de projection ouest-africaine.

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